Planter les fruitiers d’antan

 

Sélectionnées par le Centre de Recherches Agronomiques de Gembloux à l’intention des particuliers, les anciennes variétés de fruits certifiées « RGF » affichent une faible sensibilité aux maladies.

Les planter au jardin, une bonne façon de participer à la préservation de la biodiversité !

 

Texte  : Marc FASOL

 

Court pendu, Reinette de Blenheim, Président Roulin, Joseph Musch, Gris-Braibant, Cwastrèsse Double… Petit sentiment de nostalgie au moment de frotter sur sa chemise l’une de ces pommes mythiques.
Notre région, « berceau de la pomologie » à la fin du 19e siècle, a été riche de centaines de variétés fruitières.
Mais qui s’en souvient encore, alors qu’aujourd’hui moins d’une dizaine de variétés de pommes et de poires sont produites chez nous ?
Rien qu’au rayon des poires, pas moins de 1100 variétés avaient été recensées en 1874 !
Les impératifs de rendement ont eu raison de cette fabuleuse diversité.
Au cours des années ’70, des primes ont même été versées pour éradiquer un maximum de vergers hautes tiges de nos campagnes.
Ceux-ci faisaient, disait-on, ombrage aux vergers industriels d’un genre nouveau.
Entendez les « usines à fruits » cultivés en basse tige.
Assurant à elle seule 50% de la production, la Golden Delicous répondait de manière fantastique aux impératifs de l’époque.
Stabilité dans la production, récolte facilitée par la mécanisation, bonne présentation à l’étalage et un goût neutre, de quoi contenter une gamme étendue de consommateurs plus soucieux de l’aspect du produit que de son contenu.
Seule ombre au tableau : la « belle à croquer » sensible aux maladies, devait être pulvérisées quinze à vingt fois sur la saison.
Mais
qui à l’époque, se souciait d’un tel détail en plein boum de l’agrochimie ?

 

« Aujourd’hui, celui qui ne traite pas, ne récolte plus rien ! » entend-t-on dans les campagnes.
Voilà qui témoigne du triomphe commercial de l’industrie chimique en agriculture.
« Nous sommes tellement habitués à avoir recours aux produits phytosanitaires que beaucoup se demande comment les agriculteurs de jadis faisaient pour obtenir une récolte sans pulvériser, s’indigne Marc Lateur au Département de Lutte biologique et Ressources phytogénétique du Centre de Recherche Agronomique de Gembloux. Il faut savoir que les paysans qui avaient sélectionnés nos anciennes variétés de fruits l’avaient fait pour des raisons pratiques d’alimentation, de conservation mais aussi de résistances aux maladies ».
Beaucoup de nos anciennes gloires nationales fruitières développaient une résistance polygénique naturelle à la tavelure, à l’oïdium ou au chancre.
Hélas, la plupart se sont éclipsées de notre terroir sur la pointe des pieds.
A ce titre, l’héritage génétique que constituent les vergers conservatoires abritant nos anciennes variétés est inestimable.
Le premier d’entre eux a été recréé à Gembloux dans les années ’70.
D’autres depuis ont pris la relève aux quatre coins de la Wallonie.
Ce
sont ces précieuses collections qui permettent aujourd’hui d’améliorer, de recréer et de lancer de nouvelles variétés obtenues par croisement, répondant à la fois aux nouvelles exigences de goût, de qualité et de santé exigés par les consommateurs.
Et ce, sans perdre de vue les impératifs de productivité moderne, liées notamment à la mécanisation.
Les
attentes de la fruiticulture biologique dans le domaine, sont énormes.
D’autant que les produits phytosanitaires sont de plus en plus coûteux et que la législation en matière d’environnement est chaque jour plus contraignante.
De la nostalgie chez les chercheurs de Gembloux ? Peut-être, mais surtout beaucoup de pragmatisme.
La plantation de variétés résistantes d’arbres fruitiers permet de réduire les pulvérisations de 60 à 80%. Fort d’une collection de quelques 2650 variétés, le verger Conservatoire de Gembloux aujourd’hui flanqué de plusieurs vergers expérimentaux, répondent aux attentes précises des consommateurs comme de l’industrie.

 

Au jardin, des fruitiers sains

 

Pour les amateurs de fruits au jardin, les attentes ont cependant toujours été fort différentes de celles des professionnels.
La nostalgie des anciennes variétés reste très forte.
« Ce qui plaît essentiellement aux gens dans les variétés anciennes outre la diversité de goûts et d’arômes, c’est ce petit plus qui reste dans la bouche, dû aux tanins absents des variétés commerciales dérivées d’une variété qui n’en possédait pas » explique le chef de projets, qui a visiblement dû tomber dans les pommes étant petit, vu la facilité déconcertante avec laquelle il arrive à déterminer nos variétés anciennes, les yeux bandés. Si au jardin, la récolte des fruits à l’aide d’un panier et d’une échelle ne constitue pas un obstacle majeur, la seule pensée d’être obligé de pulvériser ses fruits régulièrement pour avoir une récolte, décourage l’amateur.
Restait à mettre sur le marché des variétés à la fois résistantes aux maladies, offrant en même temps des qualités gustatives intéressantes.
« Et oui, contrairement à une idée fort répandue, dans les variétés anciennes, le meilleur côtoyait le pire ».
Il n’a pas suffit aux agronomes d’identifier les variétés oubliées et de mettre la main sur le précieux bois de greffe pour les multiplier.
Pendant 10 années, il a aussi été nécessaire d’étudier leur comportement sans pesticides, de goûter les fruits, d’opérer un tri parmi les variétés les plus prometteuses. En premier choix, figurent 17 lauréates.
Toutes affichent une résistance éprouvée aux maladies ainsi que de hautes qualités fruitières.
Elles sont certifiées « RGF » pour « Ressources Génétiques Fruitières ».
Pour se les procurer, inutile de se rendre dans les supermarchés de jardinage où les variétés proposées ne sont pas garanties.
Elles ne sont disponibles que chez les pépiniéristes agréés par le C.R.A (1).
Il faut aussi pouvoir exiger les conseils d’un vrai professionnel avant de s’improviser dans toute plantation et suivre scrupuleusement les règles.
Le choix du site, le moment de la plantation, le choix de la variété, tout cela ne s’improvise pas.
Enfin, opter pour une de ces variétés « RGF », constitue un acte de responsabilité à l’égard de notre biodiversité, de notre environnement et de sa préservation.
A quoi bon en effet préserver certaines variétés au fond d’un verger conservatoire, si elles restent introuvables sur notre terroir ?
D’ici peu, le C.R.A. étendra encore sa collaboration avec les pépiniéristes.
Elle propose désormais le greffage à façon.
Faire greffer la variété exacte plantée par votre arrière grand-père et ce, dans votre propre jardin.
Le tout certifié par les chercheurs de Gembloux.
Ceux-ci s’engagent à fournir à votre pépiniériste le bois de greffe de la variété désirée.
Ce n’est qu’à ce prix que les variétés d’antan retrouveront peu à peu la place qu’elles n’auraient jamais dû quitter, dans nos campagnes comme sur nos tables...

 

(1) Voir encadré annexe « comment se procurer une variété certifiée « RGF » ?

 

ADRESSES UTILES :

 

- Pour se procurer les fiches techniques sur les 17 variétés résistantes « R.G.F. » sélectionnées et la liste des pépiniéristes multiplicateurs de ces variétés (attention, le Centre de Recherche ne vend pas d’arbres fruitiers):

 

Verser 8 € au compte n° de 091-0129280-08 de

« Centre de Recherche Agronomique - W»

D.3 – Lutte biologique et Ressources phytogénétiques

Rue de Liroux, 4

5030 GEMBLOUX

 

Nouveau service du C.R.A: possibilité aussi de faire greffer à façon, une variété bien spécifique par un pépiniériste agréé par le C.R.A.

 

 

- Vous avez un vieil arbre fruitier dont vous ne connaissez pas le nom. Il est possible de le faire identifier grâce à ses fruits:

 

Envoyer un échantillon à l’adresse reprise ci-dessous en n’oubliant pas de mentionner un maximum de renseignements ainsi que vos propres coordonnées. Une photo de la silhouette de l’arbre par exemple, est toujours utile.

 

Département de Lutte biologique

et Ressources phytogénétiques

Unité de Phytopathologie

Rue de Liroux, 4

B-5030 GEMBLOUX

Tél. : 081.62.03.33.

 

- Pour planter ou restaurer un vieux verger :

 

Les livrets de l’agriculture n°6 « L’arboriculture fruitière en haute-tige,

Une voie de diversification agricole en région herbagère »

Par Jean-Luc Coppée et Claudy Noiret

MINISTERE DE LA REGION WALLONNE
Direction
générale de l’Agriculture
Chaussée de Louvain, 14

5000 Namur
Tél.: 081/649 400
DGA@mrw.wallonie.be

 

 

- La Brochure « Les fruits de la passion » (brochure n°73) est bourrée de bons conseils. Elle reprend l’essentiel de ce qu’il faut savoir au sujet de la sauvegarde des fruitiers oubliés et leur plantation au jardin :

 

4,00 € frais de port compris à verser sur 000-1566894-53 avec mention « R 73 »

Aux « Amis de la Terre- Belgique »  asbl

Place de Vingeanne, 1

5100 DAVE

 

Tél. : 081/40.14.78.

 

- Verger didactique avec démonstrations de taille, de greffe, dégustation de fruits :

 

« Flore et Pomone » asbl

Sylviane Coutisse

Rue Léon Gramme, 34

1350 MARTILLES

 

Tél. : 019/51.69.51.

 

 

- Que faire de toutes ces pommes qui pourrissent au jardin ? Pourquoi ne pas en faire du jus ? Quelques adresses pour les faire presser, pasteuriser et mettre en bouteille :

 

En Brabant wallon :

 

Ferme de la Chise

Rue de la Chise

1315 OPPREBAIS

Tél.: 010/84.02.12.

 

Au village de la pomme, à Rachecourt,  il existe plusieurs pressoirs publics dont celui de:

 

Nadine AUBERTIN
rue de la Strale, 254

6792 RACHECOURT

Tél. : 063.67.76.68.

Site internet : www.rachecourt-jus.be/