Depuis le
début du XXe siècle, les surfaces consacrées aux vergers haute-tige se sont
raréfiées au point qu’aujourd’hui, ils ne représentent plus
qu’une part
insignifiante des surfaces agricoles.
Pourtant, dans le contexte de
l’agriculture traditionnelle, les vergers haute-tige
s’intégraient parfaitement aux autres spéculations agronomiques.
Leur rôle
était même indispensable car le verger constituait non seulement une source d’aliments
frais mais, aussi une source de revenus.
Consommés dès le début de l’été,
certains fruits pouvaient être conservés jusqu’au printemps suivants ou écoulés
sur le marché local.
La situation changea rapidement avec l’intensification et
la spécialisation de l’agriculture.
Les habitudes alimentaires changèrent
également.
Les vergers haute-tige furent laissés à
l’abandon
Les variétés paysannes peu adaptées aux méthodes culturales
intensives et aux traitements phytosanitaires furent reléguées aux oubliettes.
Bien sûr toutes n’avaient pas nécessairement les qualités qui auraient justifié
la poursuite de leur culture.
Néanmoins, la perte de diversité dans notre
patrimoine fruitier fut synonyme d’une véritable extinction.
A titre d’exemple,
aujourd’hui cinq variétés de pommes représentent 9/10 des pommes consommées en
Belgique.
Qui peut encore trouver facilement une Reinette étoilée ou un
Court-pendu dans un magasin ?
Pourtant, tout le monde connaît encore ces
noms sans nécessairement les avoir goûtées.
Si la renommée des ces fruits a
traversé les générations dans l’esprit populaire, l’immense majorité des
vieilles variétés sont quand même tombées
progressivement dans l’oubli.
C’est pour préserver ce
patrimoine fruitier que pendant plus de 20 ans de prospection, le Centre de
Recherches agronomique de Gembloux
s’est efforcé de rassembler 800 variétés de
poires et plus de 2000 de pommes de nos campagnes.
Elles sont à présent
protégées dans un conservatoire génétique en attendant leur éventuelle
rediffusion.
Ces variétés paysannes possèdent en effet des atouts agro-économiques qui justifient leur protection.
Ainsi, leur résistance aux
maladies et aux ravageurs est généralement bien supérieure, si bien qu’à moyen
terme, les chercheurs espèrent introduire
des facteurs de résistance chez les
variétés modernes qui souffrent d’une aggravation de virulence de la part des
parasites.
La
perte écologique et paysagère entraînée par l’abandon de l’arboriculture haute tige fit aussi partie du désastre corollaire à l’avènement
de l’agriculture moderne. Depuis le début du XXe
siècle, un peu partout dans nos campagnes, les bocages et les vergers firent
place aux paysages d’open field balayés par
les vents
en hiver et écrasé de soleil en été.
Avec les vergers, leurs compagnes, les
haies et leurs cortèges de vies ont aussi pour bonne part suivit le chemin des
souvenirs.
Car, quand on arrache un verger, c’est immanquablement aussi dans le
but de labourer la prairie sous-jacente…
Heureusement depuis plus de 20
ans, de nombreuses initiatives privées et publiques concourent à redonner une
place aux vergers haute tige.
Ce n’est pas là qu’une
utopie de nostalgiques d’un temps révolu.
Le verger haute tige, requérant un
minimum de soins et d’investissements peut encore s’insérer durablement en
marge d’une exploitation agricole moderne.
Le tout étant de choisir les
variétés avec discernement et de leurs prodiguer les soins adéquats, au moment
opportun.
Voilà tout le problème !
L’implantation d’un verger nécessite un
certain bagage de connaissances qu’il est difficile d’acquérir et de mettre en
oeuvre sans aide.
Heureusement, aujourd’hui de nombreux groupements d’amateurs
proposent leur aide et leurs conseils aux personnes désireuses de se lancer
dans l’aventure.
En outre, différents niveaux de pouvoirs (communes, région)
accordent des moyens financiers spécifiques à l’implantation de vergers haute
tige.
Situé
à flanc de colline dans l’ancienne commune de Viesville
(Hainaut, Belgique), le verger des Dix Bonniers, fut
créé en 2004 avec la volonté
de reconstituer un verger haute
tige
rassemblant un maximum de diversité parmi les meilleures variétés
traditionnelles de nos campagnes.
D’une surface d’un hectare, il fait partie
d’un réseau de vergers de démonstration destinés à encourager la réimplantation
de variétés traditionnelles
wallonnes en haute tige.
Les lieux se prêtaient à
merveille à l’installation du verger.
Bordé par 50 hectares de forêts érigés en
réserve naturelle, au milieu d’un ensemble de 20 hectares de prairies, dans une
zone d’intérêt paysager
protégée, on se croirait difficilement à moins de 5 km de l’agglomération carolorégienne et son demi-million d’habitants.
Une vallée encaissée, un ruisseau
qui serpente au fond, des prairies en terrasses bordées de veilles aubépines,
un petit chemin de terre perdu pour seul accès…
Le choix des variétés fut
décidé en fonction du double objectif poursuivit :
- préservation d’anciennes variétés paysannes locales menacées de disparition ;
-
volonté de produire à terme des pommes
destinées au jus (cidre) et à être vendue comme fruit de couteau.
-
Les contraintes ne concernèrent pas le terrain qui par ses
qualités acceptables à tous points de vue, se prêtait à la culture
des espèces
fruitières mais, au choix raisonné des variétés en fonction de leurs qualités
gustatives, mises en balance avec leurs
facultés de résistance aux maladies.
Ce dernier point est
particulièrement critique en verger haute tige où les traitements
phytosanitaires restent exceptionnels et
particulièrement difficiles à mettre
en œuvre.
Il était donc important de choisir judicieusement les variétés qui
devaient composer l’assortiment.
Pour ce
faire les conseils avisés du centre de recherche agronomique de Gembloux virent
à point ; outre les variétés anciennes
susceptibles
d’être trouvées chez les pépiniéristes spécialisés, une quinzaine de variétés
rares de pommes et de poires furent
greffées à façon chez un horticulteur de
Tournai.
L’assortiment variétal, composé de pruniers, poiriers et pommiers se
devait de donner la part belle à ces derniers en raison
de leur intérêt
cidricole et commercial. Parmi les milliers de variétés du Conservatoire de
Gembloux, le choix se porta sur les
variétés à haute valeur gustative et / ou
patrimoniale, tout en exigeant un niveau de résistance aux maladies élevé.
Au
rang patrimonial, quelques variétés en voie de disparition on pu être
réimplantées.
A titre d’exemple la poire
« Cinq côtes Napoléon » n’existe plus qu’en un seul arbre à Courcelles en Belgique ; la poire
« Angora »,
présente dans quelques conservatoires en Europe n’est
plus plantée depuis 100 ans ; et, la pomme « Double copette »
n’est plus
présente que dans quelques vieux vergers répartis sur quelques km
carrés près de Pont-à-Celles en Belgique.
Toutes présentent cependant des
qualités gustatives, de conservation et de résistance aux parasites
remarquables.
Elles ont été naturellement choisies pour faire partie de
l’assortiment.
Une liste des variétés est reprise ci-dessous.
Le choix de l’assortiment fait,
les bois de greffe envoyé chez le pépiniériste, la première étape consistait à
préparer le terrain pour accueillir les arbres à l’automne.
Il s’agissait tout
d’abord de procéder au quadrillage.
En haute tige, comme ailleurs, on plante
toujours en ligne.
L’espacement entre les arbres fut fixé à 12m et les
interlignes à 10m de façon à laisser 12m de distance d’arbre à arbre dans
toutes les directions.
Un travail du sol en profondeur fut entrepris.
L’objectif étant de décompacter le sous-sol jusque 60 cm de profondeur tout en
préservant la couche de terre fertile.
Des protections métalliques furent
prévues afin de préserver les jeunes arbres de l’appétit du bétail.
Engrais et
amendements furent prodigués afin de corriger les carences en bore et en
calcium constatées après analyse.
Le mode de conduite des arbres
choisi fut original.
Celui-ci, un peu inopportunément vu le contexte, peut être
qualifié de « taille moderne ».
Venue des pays anglo-saxons, la taille moderne
a déjà supplanté les formes traditionnelles en verger de basses tiges depuis 50
ans environ.
Elle s’applique tant au pommier qu’au poirier.
Ce concept de
taille, déjà ancien, n’est que rarement pratiqué en haute tige bien qu’il y
soit très facile à mettre en œuvre et très profitable à de nombreux
points de vue :
-
respect de la physiologie du végétal par la
conservation du bourgeon terminal ;
-
mise à fruit plus rapide ;
-
bris de charpentières beaucoup moins
fréquents ;
-
moins exigeant en main-d’œuvre ;
-
rajeunissement des branches maîtresses toujours
possible ;
-
couronne plus aérée…
Tenter de remettre au goût du jour les anciens verger n’implique pas de rejeter en bloc tout
progrès !
Ce mode de conduite nécessite une simple taille
de formation pendant les quelques années qui suivent la plantation.
Ensuite,
seul un élagage d’entretien tous les 2 ou 3 ans est envisagé au cas par cas.
La formation est un ensemble d’opérations
réalisées dès la plantation et pendant les premières années de croissance afin
de guider le végétal
vers la forme désirée.
Dans le cas de la taille moderne,
cette étape repose sur 4 principes :
En général, les plants de pépinières haute tige
sont greffés en laissant deux à quatre yeux au greffon.
Ces yeux se développent
vigoureusement la première année et produisent les rameaux appelés à devenir
des charpentières
(dans l’optique de la forme traditionnelle).
Pour réaliser la
taille moderne, seul un rameau doit être conservé à l’issue de la première
année de greffe.
On le choisira fort et bien droit.
Tous les autres doivent
être enlevés sous peine de le pénaliser par une concurrence pour la sève.
Le
principe qui sous-tend ceci est que les branches d’un même âge, situées au même
niveau, sont potentiellement d’égale force et se font concurrence.
Or la
dominance de l’axe principal doit être préservée à tout prix.
En taillant sur ride les concurrentes, on
provoquera l’année suivante le départ à leur base de bourgeons latents qui
formeront le premier étage fructifère
(schéma ci-dessous).
Sans danger de
concurrencer l’axe principal.
A noter que pour débuter une forme naturelle,
il est important de demander au pépiniériste de ne pas rabattre les arbres
mais, de conserver
les bourgeons terminaux ; si les rameaux paraissent
néanmoins trop longs, il est toujours loisible de les tailler soi-même avant le
débourrement.
Il est très important de respecter l’axe
principal et le bourgeon terminal.
Ce dernier est le meilleur tire sève qui
soit et contribue à un réveil précoce au printemps ainsi qu’à une croissance
généreuse.
C’est lui le « chef d’orchestre » de la croissance de
l’arbre.
Il ne devrait jamais être ôté lors de la plantation sauf s’il présente
des dégâts, par exemple, liés à un mauvais aoûtement.
Son ablation oblige
l’arbre à revoir son organisation physiologique avec le risque de multiplier
les départs de bourgeons au sommet de la tige.
La forme obtenue serait
désastreuse : un arbre en parapluie inversé, portant haut de nombreuses
charpentières sans aucun axe latéral susceptible
de porter des fruits
rapidement.
A noter aussi que pour constituer une
flèche bien droite, un tuteurage pendant les premières années est souvent
nécessaire.
Chez les variétés qui « poussent fort en hauteur », il
est malheureusement nécessaire de stimuler le départ de latérales par une
taille du bourgeon
terminal en hiver.
Mieux vaut alors rabattre au tiers des
charpentières.
Les axes centraux des autres variétés peuvent être laissés à
leur libre croissance sans peur d’obtenir des arbres trop hauts.
Avec les
années, la flèche s’arquera naturellement et la croissance en hauteur
s’arrêtera.
Il faudra sélectionner les latérales
équitablement réparties sur 360° tout autour de l’axe central et de manière à
ce qu’elles soient espacées en hauteur
de la largeur d’une main idéalement.
Cette opération peut se réaliser anticipativement dès le débourrement en
éborgnant les yeux mal situés.
On concentre alors avantageusement la sève vers
des organes qui ont de l’avenir.
En appliquant l’ensemble de ces principes ont
créera au fil des années au plus une dizaine d’étages fructifères, chacun
portant un maximun de cinq branches,
tout au
long de l’axe central.
Les arbres
ainsi menés fructifieront dès la troisième année, soit au moins deux ans en
avance sur la forme traditionnelle.
En effet, la mise à fruit se fait par l’arcure
naturelle des branches.
Plus une branche est arquée, plus elle produit des
fruits au détriment de la croissance purement végétative.
Dans le cas présent,
la position naturelle des branches est dès le départ proche de
l’horizontal ; les pousses font un angle largement ouvert avec la tige
principale.
Les latérales s’arquent rapidement sous le poids des frondaisons
et, plus tard, des premiers fruits.
Elles se mettent donc rapidement en
position idéale pour une fructification abondante alors que, dans la forme en
gobelet traditionnelle,
ce phénomène se produit moins vite du fait de la
fermeture des angles (schéma ci-dessous).
L’entretien des arbres consiste simplement en l’ablation des organes
mal conformés, mal positionnés (p. ex : rentrant dans la couronne),
brisés
par le vent ou présentant des chancres importants.
La taille pratiquée un peu
au-dessus de la ride d’écorce en laissant un court moignon, permet même pour
les variétés les moins vigoureuses
d’initier le départ de nouvelles branches au
niveau des yeux latents sur l’axe principal.
Celles-ci remplaceront rapidement
les organes perdus.
Il est à noter que dans le cas des formes traditionnelles
le remplacement de branches maîtresses est très difficile, voir impossible.
En
outre, il suffit d’observer un ancien verger pour constater que les vieux
arbres finissent quasi tous leur « carrière » par s’ouvrir en deux au
niveau
de l’insertion des charpentières maîtresses en raison de l’intensité des
contraintes.
Ceci n’arrive jamais en adoptant une forme naturelle vu un angle
d’insertion beaucoup plus ouvert qui limite les contraintes et les
infiltrations de pourritures.
Variété |
|
Utilisation |
Dabinet |
Pomme |
Cidre |
Binet
Rouge |
Pomme |
Cidre |
Antoinette |
Pomme |
Cidre |
Douce Moën |
Pomme |
Cidre |
Marie Menard |
Pomme |
Cidre |
Mettais |
Pomme |
Cidre |
Doux Veret de Carouges |
Pomme |
Cidre |
Président
Van Dievoet |
Pomme |
Table |
Reinette
de France |
Pomme |
Table |
Reinette Hernaut |
Pomme |
Table |
Reinette
Etoilée |
Pomme |
Table |
Gris Braibant |
Pomme |
Table |
Reinette
des Capucins |
Pomme |
Table |
Belle
fleur de Brabant |
Pomme |
Table |
Reinette
Clochard |
Pomme |
Table |
Sang de
Bœuf |
Pomme |
Table |
Reine des
Reinettes |
Pomme |
Table |
Transparente
blanche |
Pomme |
Table |
Court-pendu
gris |
Pomme |
Table |
Court-pendu
rosat |
Pomme |
Table |
La Paix |
Pomme |
Table |
Joseph Musch |
Pomme |
Table |
Reinette
de Blenheim |
Pomme |
Table |
Drap d'Or |
Pomme |
Var.
régionale |
Calville
des Prairies |
Pomme |
Var.
régionale |
Pépin
d'Or |
Pomme |
Var.
régionale |
Bâtard |
Pomme |
Var.
régionale |
Coupette |
Pomme |
Var.
régionale |
Double Copette |
Pomme |
Var.
régionale |
Cwatresse double |
Pomme |
Var.
régionale |
Blanche
Dame |
Poire |
Var.
régionale à cuire |
Cinq
Côtes Napoléon |
Poire |
Var.
régionale à cuire |
Rousselet
Bivort |
Poire |
Var.
régionale à cuire |
Poire de
Ré |
Poire |
Var.
régionale sucrée |
Poire St
François |
Poire |
Var. régionale
sucrée |
Angora |
Poire |
Var.
régionale sucrée |
Légipont |
Poire |
Var.
régionale sucrée |
Louise
Bonne d'Avranche |
Poire |
Var.
régionale sucrée |
Joséphine
de Malines |
Poire |
Var.
régionale sucrée |
Belle de
Thuin |
Prune |
Var.
régionale |
Wignon |
Prune |
Var.
régionale |
sainte
Catherine |
Prune |
Var.
régionale |
Prune de
prince |
Prune |
Var.
régionale |